Lettres à Félicien Rops

Lettres de Charlotte Polet, son épouse

Vous ne voulez plus me voir Félicien, soit… Vous ne me verrez plus ! Soyez satisfait. Je vous envoie quatre lettres écrites en même temps, et j’espère que vous cesserez de m’accuser de vous avoir jeté hors de chez moi. Epuisée de honte et de douleur, je n’ai rien fait des droits que j’avais contre vous, et vous ai prié simplement de me laisser un peu de repos. Vous pouvez donc, comme vous le dites, rentrer chez vous ou vous installer à Thozée – je ne demanderai pas plus de séparation maintenant que je ne l’ai fait lors de toutes ces épouvantables choses. Brisée par le chagrin, ma vie ne saurait être longue, j’ai voulu assurer à mon fils ce qui reste de ma fortune, ce qui était un devoir positif pour moi, c’est vous-même Félicien qui auriez dû demander cette séparation depuis de longues années.

Cette dernière épouvantable liaison, la 8e ! que je vous connais depuis mon mariage, a été pour vous le châtiment des autres, moi elle m’a tuée ! !

Puisque vous ne voulez plus me voir et me priez de ne plus vous écrire, je veux que mon dernier mot, soit pour vous, un mot de pardon.

Mon amour pour vous était trop pur et trop grand, pour que jamais je puisse éprouver contre vous, nul sentiment de haine, ou de vengeance indigne de moi…

Je vous pardonne donc, Félicien, toute ma si triste vie, et si de mon côté, je vous ai fait quelque chagrin, c’est bien sans le vouloir et je vous prie de l’oublier.

Adieu.

Charlotte

Lettres d'Aurélie et Léontine Duluc, ses compagnes

Cher et adoré Fély,

Il ne s'agit pas de te désespérer ainsi, pas plus que de retarder ton voyage. Il faut venir tout de suite près de tes petites femmes qui t'aiment et qui voudraient te tenir dans leurs bras pour te consoler de tous tes ennuis et nous y parviendrons, bien sûr, car, à nous trois réunis, nous braverons tous les guignons présents et à venir. (...) comme tout est terne dans le petit nid, quand tu n'es pas là pour y jeter la rayonnement. (...) Aurélie rentre ; je la laisse causer un peu avec toi. Tous mes baisers, à toi, cher Adoré.

Je ramène notre fille qui passera la nuit avec nous ; ta place au moins ne restera pas vide et, en nous éveillant, nous trouverons une tête aimée à baiser. (...) Qu'il ferait bon ici, si tu y étais ; toutes ces fêtes funèbres, qui arrivent en même temps que les jours gris et qui ont une si triste influence sur l'esprit des amoureux séparés et inquiets, passeraient si délicieusement, si, assis tous trois auprès d'un bon feu, nous écoutions tes chères causeries en les interrompant par nos baisers ! Cher adoré, il ne faut pas retarder ce bonheur-là : nous aimer et nous le prouver par nos baisers et nos caresses, voilà le principal ; quant à la vie matérielle, eh bien, nous vivrons en artistes de vingt ans, et notre appétit nous fera trouver bons nos repas frugaux. Cher bien-aimé, comme nous t'aimons, et

comme nous avons hâte de te le prouver !

AureLéon

Lettres d'amis et d'éditeurs

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